« On note qu’à chaque fois que le chômage augmente en France, le CAC40 se porte très bien. Voilà. C’est inversement proportionnel. Ça veut dire quelque chose. »
Marine Le Pen, présidente du Front national, 24 avril 2015
Il suffit d’observer le graphique ci-dessous, qui retrace les courbes d’évolution du chômage et du CAC 40 depuis sa création en 1988[1], pour se rendre compte combien la présidente du Front national a tort.
Si ses dires étaient vrais, les deux courbes devraient évoluer dans le même sens : lorsque le chômage augmente, l’indice boursier parisien devrait lui aussi s’apprécier. Or de toute évidence, il n’en est rien. Au cours des vingt-cinq dernières années, les trois plus fortes progressions du chômage ont eu lieu de 1991 à 1994, de 2008 à fin 2009, et de mi-2011 à mi-2013. Durant ces trois périodes, le CAC 40 est respectivement resté constant sur la première, s’est effondré pendant la seconde, et a commencé par s’affaisser pour ensuite progresser au fil de la troisième.
On peut aussi prendre le problème à l’envers. Il n’est pas rare qu’un krach boursier de grande ampleur se transforme en crise économique, si bien que la chute des indices boursiers engendre une explosion du chômage. Ce fut le cas lors de la crise financière de 2008-09 (le CAC 40 a été divisé par plus de deux, tandis que le chômage a augmenté de moitié). Par ailleurs, les propos mis en exergue pourraient laisser entendre que le CAC40 se porte au mieux lorsque le chômage est au plus haut. Or on voit que les deux records historiques du CAC 40 (au-delà de 6 000 points en 2001 et 2008) correspondent à des périodes de chômage relativement bas pour la France contemporaine (moins de 8 %).
Il est en fait très difficile de trouver une corrélation stable entre taux de chômage et indice boursier, car le chômage est la conséquence directe de la conjoncture, c’est-à-dire d’une situation actuelle, tandis que, comme expliqué dans la collection : La finance au cœur de nos vies, la bourse anticipe un contexte économique futur. De plus, les grandes entreprises du CAC40 font plus de 70 % de leur chiffre d’affaires à l’étranger. Il y a donc forcément un décalage entre leurs résultats et le contexte économique de l’Hexagone.
Les propos de la présidente du Front national font écho à une représentation profondément ancrée dans notre inconscient collectif : celle des licenciements boursiers. Il s’agit pourtant d’un fantasme, dont la confrontation aux faits est abordée ici.
[1] Créé avec 1 000 points de base (le 31 décembre 1987 exactement), le CAC 40 est l’acronyme de Cotation Assistée en Continu des quarante sociétés dont les échanges sont les plus abondants à la bourse de Paris.