Pourquoi la finance a-t-elle si mauvaise réputation ?

Personne ne peut nier que la finance a, de nos jours en France, très mauvaise réputation…

Précisons « de nos jours », parce qu’historiquement cela n’a pas toujours été le cas (ce point est illustré ici), et « en France » parce que cette vision n’est pas partagée à tous les endroits du globe. Vous n’expliquerez pas à un Chinois, qui a vu en moyenne son revenu multiplié par vingt-cinq au cours de ces vingt-cinq dernières années[1], que l’ouverture de son pays à l’économie de marché lui a été néfaste. Nous pouvons toutefois affirmer qu’une perception largement négative de la finance est aujourd’hui répandue au sein de l’opinion publique de nombreux pays, dont la France.

Les causes de mauvaise réputation sont multiples. Certains de nos compatriotes se représentent la finance comme un catalogue de perversions. Elle participerait à l’expansion de pouvoir de multinationales qui abrutissent les consommateurs, détruisent la planète et exploitent les peuples.

Il est vrai que la finance entretient un rapport inexistant avec la morale. La finance défie au quotidien le champ d’intervention de l’État. En certains endroits, elle a son mot à dire sur des choses aussi essentielles que les conditions d’accès à un médicament[2].

En outre, les marchés disposent d’une fâcheuse aptitude à plonger les compteurs dans le rouge, quelle que soit l’activité économique sous-jacente. Car ils sont sujets aux bulles spéculatives où des comportements de mimétisme renforcent les tendances, à la hausse comme à la baisse, et éloignent les cours boursiers de la valeur fondamentale des entreprises. Le fait qu’au quotidien la cotation de grands groupes français joue aux montagnes russes, tandis que sur le terrain les employés des entreprises concernées n’observent aucune justification tangible de cette volatilité, nourrit le sentiment d’une déconnexion totale entre la sphère de la finance et l’économie réelle. L’opinion publique entrevoit donc la bourse comme un gigantesque casino.

Acteur majeur de ce casino, les grandes banques se serviraient des dépôts pour financer leurs activités de spéculation sur les marchés. Par cette pratique, elles prendraient en otage l’État qui n’aurait d’autre choix que de voler à leur secours lorsque leurs paris s’avèrent perdants, comme ce fut le cas lors de la crise des subprimes. De plus, elles seraient représentées par de puissants lobbies capables d’exercer une pression sur les autorités de régulation. Pour enfoncer le clou, elles transporteraient les valises comptables de grands groupes industriels et de riches particuliers vers les paradis fiscaux.

Les banques centrales auraient, quant à elle, réussi un formidable tour de force en se dégageant des contraintes démocratiques et en devenant indépendantes des gouvernements. Dans ce contexte historique sans précédent, elles imposeraient leur dictature monétaire aux peuples.

Voilà pour les idées. Mais dans les faits, qu’en est-il ?

Certaines de ces accusations sont avérées, parfois même de manière encore plus prononcée que ce que l’on imagine, tandis que d’autres ne correspondent en rien à la réalité et relèvent du pur fantasme. L’analyse de certains de ces préjugés est l’objet de quelques articles sur ce site. La totalité d’entre eux, et bien d’autres encore, est traitée dans la collection : La finance au cœur de nos vies.


[1] En Chine, le PIB par habitant est passé de 280 $ en 1988, à 6 800 $ en 2013. Cette évolution est d’autant plus remarquable que la population a augmenté de 23 % sur cette période. Bien sûr, il s’agit là d’une moyenne nationale. Le paysan du Turkestan oriental n’a pas bénéficié d’une amélioration des conditions de vie identique à celle de l’ingénieur de Shanghai.

[2] En septembre 2015, le prix américain du Daraprim, un médicament destiné à traiter la toxoplasmose, a augmenté de 5 400 % après qu’un fonds d’investissement a racheté à un laboratoire pharmaceutique les droits exclusifs de sa commercialisation. Du jour au lendemain, la pilule est passée de 13,50 $ à 750 $. Un véritable drame pour les patients.